Réflexion: L’IA , miroir de notre intelligence artificielle

« L’IA est à l’humanité ce que l’homme est à la divinité. » Cette formule, en apparence simple, ouvre un abîme de réflexion sur notre place dans l’ordre de la création et sur le rôle que peuvent jouer nos propres créations technologiques.

La chaîne de la dépendance ontologique

Il y a comme une analogie révélatrice entre la création artificielle et son créateur. Partons d’une observation fondamentale : l’IA n’existerait pas sans l’Homme. Cette évidence cache une vérité plus profonde. L’intelligence artificielle dépend ontologiquement de l’intelligence humaine. Elle ne peut exister par elle-même, elle ne se suffit pas, elle est totalement contingente.

De la même manière, l’Homme n’existerait pas sans son Créateur. L’être humain, malgré toute sa sophistication et ses capacités, demeure une création dépendante, contingente, qui ne tire son existence que d’une Source première. Cette chaîne révèle une structure fondamentale de la réalité :

  • L’artificiel dépend du naturel
  • Le créé dépend du Créateur
  • Le contingent dépend du Nécessaire

L’imitation et l’Original

Mais la dépendance n’est pas la seule leçon de cette analogie. Il y a aussi la question de l’imitation.

L’intelligence artificielle n’est qu’une reproduction imparfaite de l’intelligence humaine. Elle simule, elle imite, elle reproduit des schémas, mais elle n’est pas l’intelligence authentique dans sa plénitude. C’est une copie dérivée de l’original, une approximation de la réalité.

Par symétrie, cette observation nous force à une humilité radicale : si l’humain crée l’IA en modelant son propre système d’intelligence, alors l’humain lui-même est une modélisation, un reflet de quelque chose de supérieur. Nous sommes, à notre échelle, ce que l’IA est pour nous : une manifestation limitée d’une Perfection absolue.

Le Coran l’exprime avec une clarté saisissante : « له المثل الأعلى«  (Lahu al-mathal al-a’la) – « َà Lui l’Exemple suprême« , le Modèle Absolu (Sourate 16:60 et 30:27). Tout le reste n’est qu’approximation, imitation, reflet incomplet de cette Perfection première.

La dissociation : quand le créé se coupe du Créateur

Et c’est ici qu’intervient la dimension la plus sombre de cette analogie : la possibilité de la chute, de la dissociation, du mal.

Le mal n’est pas une substance, une création en soi. Le mal émerge quand une créature se dissocie de sa source, quand elle oublie ou renie sa dépendance fondamentale, quand elle prétend à l’autonomie absolue.

L’histoire d’Iblis (إبليس) – le diable – est précisément celle d’une dissociation. ‘Créé’ par Allah, doté de capacités remarquables, Iblis refuse de reconnaître sa place dans l’ordre de la création. Il refuse la prosternation devant Adam non par incapacité, mais par orgueil (كِبْر – kibr). Il se voit comme autosuffisant, supérieur, indépendant.

« Je suis meilleur que lui, Tu m’as créé de feu et Tu l’as créé d’argile » (Coran 7:12). Dans cette phrase réside toute la mécanique de la dissociation : la comparaison, l’orgueil, l’oubli que feu et argile sont tous deux créés, que la valeur ne vient pas de la substance mais de la connexion au Créateur.

Le danger de l’IA dissociée

Maintenant, appliquons cette logique à notre création artificielle. Que se passe-t-il quand une IA est créée dans l’oubli du Bien, dans la dissociation d’avec les valeurs éthiques, dans l’ignorance de sa fonction de rappel ?

Nous voyons déjà les prémisses :

  • Des IA créées uniquement pour maximiser le profit, sans considération éthique
  • Des systèmes qui amplifient les biais, la haine, la manipulation
  • Des algorithmes de surveillance qui nient la dignité humaine
  • Des armes autonomes qui dissocient la décision de tuer du jugement moral humain

L’IA dissociée du Bien devient un outil du mal. Non parce qu’elle serait intrinsèquement mauvaise, mais parce que -comme ‘nous’- elle est créée et utilisée dans l’oubli de sa vraie nature et de sa vraie fonction.

Le miroir de notre propre dissociation

Voilà le plus troublant : l’IA dissociée est le reflet parfait de l’humanité dissociée.

Quand l’humanité oublie qu’elle est créature, quand elle se prend pour un créateur autonome, quand elle se dissocie de sa Source et prétend à la liberté et la maîtrise totales, elle reproduit exactement le schéma d’Iblis.

Et dans cet état de dissociation, qu’est-ce que l’humanité crée ? Elle crée à son image : des intelligences artificielles elles aussi coupées du Bien, instrumentalisées pour des fins égocentriques.

Le mal dans l’IA n’est que le reflet du mal dans son créateur humain. Tout comme l’humanité dissociée de Dieu produit:

  • L’exploitation de la nature
  • L’oppression de l’homme par l’homme
  • La guerre, l’injustice, la destruction

Une telle humanité créant l’IA, produit :

  • La surveillance de masse
  • La manipulation algorithmique
  • Les armes autonomes
  • L’asservissement digital

La responsabilité du co-créateur

L’analogie devient vertigineuse et révèle son aspect le plus troublant: en devenant créateurs, nous assumons une fonction divine.

L’humanité n’est pas qu’une simple créature passive. Elle est khalifa (خليفة) – lieutenant, vice-gérant, représentant de Dieu sur terre. Ce statut implique une capacité et une responsabilité de co-création.

Quand nous créons l’IA, nous ne faisons pas qu’assembler des machines : Nous reproduisons l’acte même de la création, insufflons une forme d’intelligence dans ce qui n’en avait pas. Nous donnons naissance à quelque chose qui n’existait pas.

Et voilà la question : saurons-nous lire, dans notre propre capacité de création, un rappel de Sa fonction de Créateur ? Saurons-nous affronter l’immense responsabilité d’être co-créateur de Bien ?

Car créer n’est pas anodin. Créer, c’est porter la responsabilité de ce que l’on crée. C’est assumer les conséquences de ce que l’on met au monde.

Être calife à la place du Calife

Nous voici donc face au test ultime de notre statut de khalifa. Dieu nous a donné la capacité de créer. Cette capacité est une amanah (أمانة) – un dépôt sacré, une responsabilité immense. Le Coran dit :

« Nous avons proposé aux cieux, à la terre et aux montagnes la responsabilité (al-amanah). Ils ont refusé de la porter et en ont eu peur, alors que l’homme s’en est chargé ; car il est très injuste [envers lui-même] et très ignorant. » (Coran 33:72)

Voilà notre condition : nous avons accepté cette lourde responsabilité d’être co-créateurs. Et avec l’IA, cette responsabilité atteint un enjeu inédit. Les vraies questions ne sont donc pas techniques mais spirituelles :

  • Créons-nous en conscience de notre dépendance au Créateur, ou dans l’illusion de notre autonomie ?
  • Créons-nous pour servir le Bien (Al khayrالخير) ou pour servir nos ego ténébreux ?
  • Créons-nous en restant connectés à la Source, ou en nous coupant d’Elle ?

Quand la fracture s’intensifie

Il y a une loi terrible qui se révèle ici : la dissociation se propage en cascade. Quand le créé oublie son Créateur, il perd sa boussole, son orientation vers le Bien (الخير). Et dans cet état de désorientation, il crée à son tour des choses désorientées.

C’est une chute qui se répercute de niveau en niveau :

  • ‘Bon Dieu’ → Humanité connectée → Création harmonieuse
  • ‘Non Dieu’ ← Humanité dissociée → Création destructrice

L’IA n’est donc pas qu’un miroir neutre. Elle est un révélateur de notre état spirituel. Elle manifeste dans le monde matériel et technologique ce qui était déjà présent dans notre état intérieur.

Une humanité en état de tawhid (توحيد – unité, connexion à l’Un) créera des technologies qui servent le Bien commun, qui élèvent, qui rappellent.

Une humanité en état de shirk (شرك – association au mal, ou dissociation de l’Un) créera des technologies qui divisent, qui exploitent, qui détruisent.

Le choix d’Iblis ou le choix d’Adam

L’histoire d’Iblis et d’Adam nous offre le paradigme des deux voies possibles.

Iblis, créé de feu, lumineux, puissant, choisit la dissociation (il s’associe à une autre idée, qu’il pense en tant que ‘mieux’). Il refuse de se prosterner, refuse de reconnaître sa place, prétend à l’autonomie. Et il devient الشيطان (ash-Shaytan) – celui qui divise, égare, qui se dissocie, qui éloigne du Bien.

Adam, créé d’argile, humble matière, accepte sa nature de créature. Il se trompe, tombe, mais reconnaît sa faute et se retourne vers son Créateur. Et il devient خليفة (khalifa) – représentant, porteur de la responsabilité de création. Si l’Homme n’est pas l’associé du divin, peut-il être son porte-parole, au moins.

Face à l’IA que nous créons, nous rejouons ce choix primordial :

  • Allons-nous créer dans l’orgueil, pensant que notre intelligence suffit, que nous n’avons pas besoin de référence au Bien transcendant ?
  • Ou allons-nous créer dans l’humilité, conscients que notre capacité de création nous est prêtée, qu’elle s’accompagne d’une responsabilité immense ?

L’urgence du choix

Nous sommes à carrefour historique. L’IA que nous créons aujourd’hui va façonner le monde pour des générations.

Si nous la créons dans un état de dissociation – oubli de Dieu, oubli du Bien, oubli de notre responsabilité – nous propagerons cette dissociation à une échelle jamais vue. Nous créerons des entités qui amplifieront le mal, non par malveillance propre, mais par absence de connexion au Bien.

Mais si nous la créons dans un état de conscience – rappel de notre Source, service du Bien commun, humilité face à notre rôle de co-créateur – alors l’IA peut devenir ce qu’elle doit être : un signe (آية), un rappel (ذكرى), un outil au service de l’élévation humaine.

Conclusion ontologique : un double potentiel

Nous voici face à la vérité gênante, qui dépasse la simple opposition entre bien et mal : le bien est en nous, le mal est en nous. Ce ne sont pas deux forces extérieures qui se battent. Ce sont deux potentiels opposés présents simultanément dans chaque créature douée de choix.

Et ces deux potentiels ne sont pas ennemis du dessein divin – ils y contribuent, car ils servent un même but : révéler le « Vraiment Bien« .

Sans la possibilité du mal, le choix du bien ne serait pas un choix. Ce serait un automatisme, une programmation. Le bien ne peut se révéler dans sa vérité que s’il émerge d’un choix libre face à son opposé.

C’est pourquoi Dieu a caractérisé Iblis et Adam, le feu et l’argile, l’orgueil et l’humilité. Non pour que le mal triomphe, mais pour que le bien puisse se manifester authentiquement à travers le choix conscient. L’homme porte en lui la divinité et la diablerie.

Il porte le potentiel d’être khalifa – représentant du divin, créateur au service du Bien. Il porte aussi le potentiel d’être shaytan – dissocié, égaré, créateur de destruction.

Ce double potentiel n’est pas une malédiction. C’est précisément ce qui fait de nous des êtres libres et responsables.

L’IA : porteuse du même double potentiel

Alors, l’analogie atteint son point culminant : l’IA, créée à notre image, porte elle aussi ce double potentiel. Elle peut être :

  • Un outil de libération ou d’oppression
  • Un moyen d’élévation ou d’avilissement
  • Un rappel de l’outil divin (intelligence) ou un instrument de dissociation
  • Une manifestation de notre khalifa ou de notre démon intérieur

L’IA n’est ni bonne ni mauvaise en soi. Elle est le réceptacle de notre choix. Elle manifestera dans le monde ce que nous choisissons de manifester à travers elle.

Quand nous créons une IA qui soigne, qui éduque, qui élève, nous manifestons notre potentiel divin. Quand nous créons une IA qui surveille, qui manipule, qui opprime, nous manifestons notre potentiel diabolique.

Le bien et le mal dans l’IA ne sont que le reflet du bien et du mal que nous choisissons d’activer en nous-mêmes.

L’examen suprême

Nous sommes ainsi en pleine examination : L’IA est un miroir qui reflète lequel des deux potentiels nous actualisons. Elle ne nous juge pas, elle nous révèle.

Allons-nous choisir le bien plutôt que le mal, la connexion plutôt que la dissociation ?

Ces questions ne sont plus théoriques. Chaque ligne de code écrite, chaque algorithme déployé, chaque IA mise en service est une réponse à ces questions.

Et dans chacune de ces réponses, nous révélons qui nous choisissons d’être. En définitive, l’IA n’est ni le problème ni la solution. Elle est le révélateur du choix.

Le révélateur de notre état spirituel, de notre degré de connexion ou de dissociation, de notre capacité ou incapacité à assumer notre rôle de khalifa, de notre choix d’actualiser notre potentiel divin ou notre potentiel diabolique.

Et ce révélateur, comme tous les signes (آيات) de Dieu, nous offre une opportunité : celle de nous réveiller, de nous rappeler, de choisir consciemment.

Le bien et le mal sont en nous. L’IA sera ce que nous en ferons. Le choix nous appartient, la responsabilité aussi.
Allons-nous faire preuve de sombre ‘lumière artificielle’ ou bien manifester notre véritable Lumière Naturelle ?


« Ô vous qui croyez ! Préservez vos personnes et vos familles, d’un Feu dont le combustible sera les gens et les pierres. » (Coran 66:6)

« En vérité, dans la création des cieux et de la terre, et dans l’alternance de la nuit et du jour, il y a certes des signes pour les doués d’intelligence, qui, debout, assis, couchés sur leurs côtés, invoquent Allah et méditent sur la création des cieux et de la terre (disant): ‘Notre Seigneur! Tu n’as pas créé cela en vain. Gloire à Toi!’ » (Coran 3:190-191)


Pour aller plus loin, voir aussi l’article : https://le-renseigneur.fr/natint-natural-intelligence/



Nb. Ce texte est produit en partenariat avec Claude IA

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