L’ego, fonctionnement et « désidentification »

Introduction

Vous pensez contrôler votre vie, mais ce n’est pas le cas. Chaque décision que vous prenez, ce que vous poursuivez, ce que vous évitez, même ce que vous aimez, est silencieusement dicté par un jeu qui se déroule en vous. C’est ce qu’on appelle le jeu de l’ ego. Et la plupart des gens meurent sans même se rendre compte qui jouait réellement ce jeu dans leur vie. Si vous fermez les yeux et regardez en vous-même, vous ressentirez un sentiment d’identité. Il y a une identification : « Je suis… (suivi d’une pensée) ». Quand quelqu’un vous fait un compliment, vous êtes heureux. Quand quelqu’un vous critique, vous êtes triste et vous vous mettez en colère.

Il y a donc quelque chose en nous qui contrôle notre vie et qui contrôle la façon dont nous réagissons à la vie. C’est ce qu’on appelle l’ego. Dans le vedanta, il est décrit comme ahankara. Ce terme vient de deux mots distincts : Aham  signifie « moi » ou « ce moi », et kara signifie « le créateur ». Ainsi, ahankara signifie littéralement « le créateur du moi ». Et ce moi, ou ego, ou ahankara, est toujours présent en nous. Il prend toutes les décisions, et crée différents résultats dans notre vie et détermine fondamentalement la façon dont nous vivons sans que nous en soyons même conscients.

L’ego est si proche de nous que nous ne le reconnaissons même pas, nous ne le distinguons pas de « nous », du « Je suis ». Mais la reconnaissance de l’ego est la chose la plus importante que nous devons faire dans la vie selon l’ancienne sagesse vedantique (le vedanta des vedas hindous). Maintenant, quand nous disons ahankara ou ego, vous pourriez immédiatement penser que c’est quelque chose de négatif. C’est quelque chose dont il faut se débarrasser et qui n’est pas essentiel. Mais ce n’est certainement pas vrai.  


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L’égo est utile, mais ce n’est qu’un outil

L’Ahankara ou ego, cela vient avec l’expérience de la vie. Il est toujours là. Tant que nous avons un corps, tant que nous avons un esprit, l’ego est présent. Et pas seulement, il est intégré en nous pour notre propre survie. Lorsque nous avons évolué en tant qu’espèce, lorsque nous étions chasseurs et cueilleurs dans la forêt, c’est cet ego qui nous a maintenus en vie. La forte identification au corps nous a aidé à nous protéger et à nous sauver lorsque le danger surgissait. Ainsi, chaque animal, chaque oiseau, chaque organisme vivant a un sens de l’identité. Il essaie de survivre, de se protéger, prendre soin de sa propre progéniture. Et il sent qu’il a une frontière. Tout cela est le jeu de l’ego. C’est simplement un jeu et cet ego est essentiel pour que nous puissions jouer le jeu de la vie en tant que personnes, en tant que travailleurs, voire en tant que chercheurs spirituels.

L’ego est la seule chose sur laquelle nous pouvons travailler pour transformer notre vie. Cet ego ou cette identité est notre swabhava, notre nature, et lutter contre cet ego n’est pas une solution. Dans une vie, on peut traverser beaucoup de tourments psychologiques. Chaque jour, on peut se juger, dès qu’une pensée négative vient à l’esprit. « Pourquoi cela m’arrive-il ? » Chaque fois que je ressent quelque chose, « pourquoi n’arriverais-je pas à me débarrasser de cet ego ? Pourquoi cet ego est-il toujours là ? Quand serais-je enfin libéré de cela ? » Ce processus devient si pénible qu’il en est douloureux. Après une plongé dans la sagesse védantique on réalise que l’ego sera toujours présent. Il continuera d’être là tant que le corps sera là.

Donc, le but ici n’est pas de lutter contre l’ego, mais de se désidentifier de l’ego, simplement créer une séparation entre qui nous sommes et cet ego ou cette identité qui est le jeu auquel nous jouons. C’est ainsi que nous pouvons gagner ce jeu. Et ce n’est pas tout, ce texte traite de la compréhension de la manière dont ce jeu se joue en vous. Il peut être important pour vous permettre de comprendre les subtilités de l’ego, comment il vous manipule, comment il se joue de vous, et comment il vous maintient toujours coincé et ne vous permettra jamais de faire l’expérience de votre intégrité, de votre plénitude. Et de ce potentiel infini. Car lorsque vous êtes véritablement libéré, lorsque vous vous identifiez et vous reconnaissez qui vous êtes, vous ne faites qu’un avec cette conscience infinie. C’est la mort de l’ego. Et c’est là que le jeu prend fin. Mais l’ego n’est pas prêt à mourir. Il ne sera jamais prêt à mourir. Et il ne veut jamais que nous arrêtions de jouer à ce jeu.

les trois aspects de l’égo

Des penseurs sages nous ont donné ce cadre pour examiner les trois aspects ou catégories d’égo. Il y a d’abord l’ego tamasique (tamas), puis l’ego rajasique (rajas), puis l’ego sattvique (sattva). Ce sont différents types d’ego qui existent en chacun de nous. Leur degré d’existence et leur proportion peuvent varier d’une personne à l’autre, mais il est essentiel de comprendre ce qu’ils sont et comment ils contrôlent notre comportement et nos choix, et par conséquent notre vie elle-même. Examinons-les un par un :

L’ego tamasique représente la torpeur ou l’obscurité. C’est un aspect de nous-mêmes qui est fortement associé à l’inactivité, à la léthargie, etc. L’ego tamasique est fermé à toute connaissance et sagesse. Il ne peut accepter ni le changement ni la croissance. Il croit que sa souffrance est permanente et inévitable. C’est la forme la plus basse de l’ego, associée à la paresse, à la lenteur d’esprit et à une tendance à blâmer les autres au lieu d’assumer ses responsabilités.

L’ ego rajasique est meilleur que l’ego tamasique, mais chaque ego existe à un certain niveau. Cet ego considère donc le monde comme une course à l’identité. Il a besoin d’une validation externe. Les récompenses, les titres, les diplômes, l’argent, les louanges, le pouvoir, tout cela est ce que l’ego rajasique recherche pour se sentir digne et pour se sentir important. Telle est sa nature : de rechercher son profit, son intérêt. Cela est courant chez la plupart d’entre nous qui sommes des travailleurs ou des entrepreneurs motivés et ambitieux. Nous recherchons la reconnaissance, le pouvoir et le succès. C’est donc l’ego rajasique en nous qui recherche fortement la validation de la réalité extérieure. Cet ego est motivé par l’ambition et l’obsession du résultat. Il est très identifié et attaché aux résultats de son action. Bien qu’il soit productif et puisse conduire à la réussite et à la prospérité matérielles, il présente également de nombreux inconvénients. Il engendre du stress, de la pression, de l’anxiété et du surmenage, et il est constamment pris dans un cycle sans fin de recherche. Chaque fois qu’il accomplit quelque chose, il n’est jamais satisfait. Il cherche la prochaine chose à accomplir.

Après cela vient l’ego sattvique, qui est beaucoup plus évolué, beaucoup plus sophistiqué et bien plus subtil. Il ne revendique pas la propriété des résultats, mais dit : « Je suis le serviteur de Dieu ou je ne suis qu’un instrument. » Cet égo est également beaucoup plus détaché que les autres. Mais ce n’est pas encore la fin. Certains l’ont appelé « la chaîne d’or ». L’ego tamasique est peut-être une chaîne d’acier et l’ego sattvique une chaîne d’or, mais cela reste une chaîne qui nous lie. Notre objectif final ne devrait pas être de porter une chaîne d’or au lieu d’une chaîne d’argent ou d’acier, mais de nous débarrasser de toutes les chaînes et d’être éternellement libres. Cet ego sattvique est la forme finale de l’ego. C’est la dernière étape avant la désidentification finale.

Or, nous devons comprendre que nous ne pouvons jamais nous débarrasser de l’ego. L’ego ne peut être que transformé de tamasique à rajasique, puis finalement à satvique, qui est plus humble. En fin de compte, l’ego existe toujours. Même pour les maîtres éclairés, l’ego continuera d’exister. La véritable liberté spirituelle n’est donc pas une bataille pour détruire l’ego, mais un voyage de désidentification, et de soumission de l’égo.

La fin du jeu ou la maitrise des règles

Il suffit de se désidentifier de l’ego et de se reconnaître comme quelque chose qui est infini, qui est véritablement source de bonheur et qui n’a jamais été l’ego au départ. Lorsque vous maîtrisez votre ego, vous réalisez que « je ne suis pas celui qui est en colère », je suis « celui qui est conscient de la colère ». Vous devenez insensible aux mouvements de l’ego tout en étant toujours capable de l’utiliser comme un outil. C’est alors que vous commencez à jouer le jeu de la vie.

Cette compréhension de ce qu’est la réalité, de ce qu’est l’ego, des différents aspects et catégories de l’ego est importante, car grâce à toute cette compréhension, vous commencez à jouer le jeu de la vie dans le monde de māyā (illusion) et vous n’êtes plus contrôlé par l’ego. Vous êtes désormais libre. Vous  comprenez que l’ego continue d’exister et que vous êtes de la conscience infinie. Vous commencez alors à jouer le jeu consciemment plutôt qu’inconsciemment. Vous êtes libre dans ce jeu et vous évoluez grâce à cette sagesse et transformez votre ego. S’il est trop tamasique, vous le transformez en rajasique. S’il est trop rajasique, vous le transformez alors en sattvique. Mais tout au long de ce voyage, vous vous désidentifierez de lui et commencerez à le considérer comme un jeu auquel vous jouez, et vous réaliserez que vous n’avez jamais été dans le jeu, mais que tout le jeu était une apparence en vous.

C’est notre objectif. Nous devons être très conscients de l’ego au niveau tamasique. Lorsque l’ego est trop tamasique, il dit : « Je ne suis pas responsable de ma vie. Ce sont des circonstances qui sont responsables de ma vie. « Cette personne m’a fait cela. Cette personne m’a fait quelque chose à moi, tout le monde est mauvais, je suis bon et toute la faute incombe à quelqu’un d’autre », c’est la nature de l’ego tamasique que nous devons dépasser. C’est un endroit dangereux, un piège où nous ne prenons pas la responsabilité de notre vie et où nous devenons des victimes. Vient ensuite l’ego rajasique, qui est beaucoup plus sophistiqué, il prend ses responsabilités, mais il s’attribue tout le mérite. Il travaille dur, il réussit, il fait même des œuvres caritatives, mais d’une manière différente, avec beaucoup d’ambition et de motivation, ce qui s’accompagne de stress, d’anxiété et d’épuisement à ce niveau.

Le dernier piège

Puis, quand on en arrive à l’ego sattvique, l’ego continue à jouer son jeu, car l’ego ne veut jamais mourir. Personne ne veut mourir. Il souhaite préserver son identité par tous les moyens possibles. Ici, l’ego dit : « Je suis tellement spirituel maintenant. Je ne suis plus rajasique.  Je ne suis plus tamasique. Je ne suis pas paresseux et je ne suis pas motivé par la cupidité et l’ambition ». C’est l’ego d’un chercheur spirituel, où nous avons tendance à nous voir comme quelqu’un qui est beaucoup plus évolué et meilleur que les autres. C’est un phénomène très courant lorsque nous comprenons le vedanta, l’ego dit : « Je comprends la réalité, je sais » et finalement, lorsque vous comprenez l’ego et comment il continue à jouer, à l’aide de ce texte, votre ego pourrait dire de manière subtile : « Maintenant, je comprends le jeu de l’ego, j’en sais tellement plus que n’importe qui d’autre », alors soyez simplement conscient de cela, il y a toujours un jeu que votre ego joue et il continuera à jouer ce jeu, parce que c’est la nature de l’ego.

Mais plus nous parvenons à nous en détacher, à l’observer à distance et à reconnaître notre nature comme quelque chose qui lui est distinct, plus nous retirons de pouvoir à l’ego et plus nous pouvons devenir épanouis, joyeux et heureux. C’est pourquoi il est important de comprendre ce jeu pour prendre le contrôle de votre vie et ne pas laisser les circonstances et les événements extérieurs affecter votre état d’être intérieur. Imaginez simplement ce pouvoir qui vous permet de vous asseoir avec vous-même, les yeux fermés ou non, complètement détaché de l’ego et du monde extérieur, où vous pouvez dire « Quoi qu’il arrive dans ma réalité extérieure, cela ne m’affecte pas . Je le prend en compte, je le comprend, je fait avec, mais cela n’est pas maître de mes émotions. Je dicte ma (compréhension intérieure de) réalité et je ne laisse pas ma réalité dicter mon état d’être intérieur« . C’est là que réside le véritable pouvoir auquel nous devons aspirer.

Sources :

The Upanishads;

Bhagavad-Gita;

Dictionary of Advaita Vedanta

Comments

Une réponse à “L’ego, fonctionnement et « désidentification »”

  1. […] créer la vie que nous souhaitons en façonnant en conscience une nouvelle personnalité positive, attentive à son ego. Bien entendu, il n’est pas question de « faire tout ce qui nous plait » sans limite, […]

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